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(Note : cet article discutera principalement de tarif journalier, pour des missions de type forfait ou régie dont la durée est connue. Je n’ai pas d’expérience sur des projets du type “j’ai besoin qu’on refasse telle partie de mon site web” ou “j’aimerais qu’on refasse toute la charte graphique” ; certains points de l’article pourront certainement s’appliquer mais je ne sais pas lesquels)

Un des principaux problèmes quand on est freelance, c’est de savoir quel prix afficher pour sa prestation. C’est normal, parce que toutes les prestations sont différentes ! Ce sera d’ailleurs un des vecteurs de négociation. Et puis justement, on n’est pas tous formés à la négociation ; d’ailleurs, si on vous demande “combien vous voulez ?” d’entrée de jeu, il y a de bonnes chances que vous répondiez avec un chiffre… ce qu’il ne faut pas faire !

Le Juste Prix, un jeu TV où il fallait deviner le prix réel d'un objet

Voici donc quelques points-clés pour déterminer un tarif qui convient.

Connaître sa valeur

On commence par le B.A. BA. Un profil comme le vôtre, il se vend combien actuellement sur le marché ? Question cruciale mais souvent méconnue de la plupart des gens. Pourtant, c’est comme pour une négociation salariale : si vous ne voulez pas être sous-payé, il convient de définir le seuil à partir duquel on se considère comme tel.

Perceval dans Kaamelott aimerait bien être considéré en tant que tel

Mais comment faire ? Pour commencer, posez-vous les bonnes questions :

  • puis-je justifier d’un certain niveau d’expertise ou de qualité ?
  • quelles sont les tarifs pratiqués sur le marché pour des compétences équivalentes moyennes ?

Pour ce dernier point, on entre en contact (ou on le reste si on l’est déjà) avec des gens qui ont accès à ce genre d’info facilement : staff de SSII (notamment les commerciaux), client final qui recrute des prestas, boards pour freelances (type Hopwork, Freelance-info… mais attention aux prix tirés vers le bas) et surtout des prestataires ayant un profil approchant du vôtre !
C’est vraiment l’information la plus importante, donc ayez de bons contacts.

Vos attentes personnelles

Mais sinon, vous personnellement, vous voulez combien ? Il convient de répondre à cette question en 3 fois :

  • combien il vous faut au minimum : en gros, on parle ici de vos besoins financiers pour payer les factures et vivre correctement mais en vous restreignant sur certains aspects moins prioritaires pour vous.
  • combien il vous faut pour vivre confortablement : c’est complètement subjectif mais essayez aussi de rester raisonnable. En général, cela correspond à un niveau de vie sans grosse concession, avec une épargne suffisante qui vous permette d’envisager la suite sans stress. Bref, le mode “sans pression”.
  • le pactole : à partir duquel vous considérez sérieusement ne pas avoir besoin de travailler à temps plein.

Pour en déduire les tarifs associés, on se reportera sur un précédent article ainsi que divers simulateurs.
Attention aussi à ne pas se sous-évaluer. Quand on fait quelques calculs, on se dit qu’on n’a pas besoin de beaucoup d’argent ; c’est plus compliqué que ça, comme le dit très bien Princesse RH dans cet article que je recommande fortement. À l’inverse, il ne faut pas non plus se voir trop beau et rester réaliste.
Surtout, gardez bien les chiffres en tête mais ne les divulguez pas lors de la négociation tarifaire ! D’ailleurs, puisqu’on en parle…

Face à un intermédiaire, attention à la question qui fâche

Très souvent, un intermédiaire (souvent commercial de SSII) vous demandera : “combien voulez-vous ?” Il ne faut surtout pas répondre par un chiffre ! Tout simplement parce que vous n’avez aucun intérêt à le faire : si vous donnez un chiffre en-dessous de ce que l’interlocuteur est prêt à payer, vous perdrez de l’argent bêtement ; si vous donnez un chiffre au-dessus, on vous challengera (“ah oui quand même” et variantes). De plus, si vous payez un intermédiaire pour trouver un poste et négocier avec le client, c’est normal que votre tarif se cale sur le prix client. Sinon, il faut baisser la commission de l’intermédiaire…

Un émir répond "pas assez cher" lorsque son fils lui demande de lui acheter une Clio
Dans la vraie vie, on ne vous le dira pas et vous vous en rendrez compte trop tard…

Mais sinon, comment répondre à la question ? Avec d’autres questions, ou en noyant le poisson. Notamment :

  • Ca dépend…” C’est complètement justifié quand on vous demande votre tarif alors que vous n’avez pas d’offre de poste concrète. Cela arrive souvent lors d’une première prise de contact avec un intermédiaire. Vous n’avez pas de moyen de définir un tarif puisque nous ne savez rien de ce que l’on va vous proposer. Variantes : “on verra en fonction de la mission”.
  • Quelle commission prenez-vous et sous quelles conditions ?” Là, vous renvoyez un peu la question à votre interlocuteur puisque vous lui demandez son prix. C’est justifié dans la mesure où, connaissant un peu les prix du marché, en soustrayant la com de l’intermédiaire vous pourrez déduire ce qui vous reviendra. Et cela permet aussi de savoir tout de suite s’il faut arrêter de travailler avec cet intermédiaire s’il est trop cher (on en reparlera lors d’un autre article). Enfin, cela met l’accent sur ce que je dis plus haut : vous voulez que ce que vous touchez dépende du tarif client, donc que la com soit fixe.
  • Si vous avez déjà une idée du prix (grâce à certaines infos prises en amont, cf suite de l’article), donnez un chiffre fixe. Pas de fourchette ou de “à partir de” (l’interlocuteur choisira forcément le prix le plus bas). C’est votre prix, on vous l’a demandé et vous savez le justifier. On peut ensuite passer à la négociation si besoin.

Ce n’est pas toujours facile, surtout face à quelqu’un qui insiste lourdement. C’est pour ça qu’il faut bien s’entraîner avant et disposer du maximum d’infos possible.

Quels critères pour ajuster ?


En tant que freelance, vous êtes plus flexible qu’en CDI

Passons maintenant en revue quelques critères qui influent sur le prix de la prestation. J’espère faire une liste assez large mais je ne pense pas qu’elle soit exhaustive.

Savoir être convaincant(e)

Sans doute le pré-requis le plus important ! Sachez sortir du lot pendant l’entretien, d’une part grâce une bonne maîtrise technique mais surtout grâce à de bonnes qualités de communication. Il faut faire passer le message que vous pourrez prétendre à un tarif situé au-dessus de la moyenne.

Un jeune homme en costume lavande est en pleine discussion avec une jeune femme ; on a l'impression qu'il jongle avec ses mains
“Oui je suis un peu cher mais j’ai un joli costume couleur lavande et je sais jongler avec des balles invisibles”

Durée de la prestation

Une prestation courte signifie que rapidement vous devrez vous remettre en recherche d’une nouvelle mission. Il y a donc un risque d’inactivité pour vous alors que le client gagne en souplesse. C’est pourquoi plus la mission est courte, plus il faut augmenter le tarif.

De plus, dans notre métier, les missions courtes sont souvent des missions de conseil où le client a besoin d’une expertise forte, ce qui se paie.

Secteur d’activité du client

Selon le secteur d’activité du client, les budgets ne sont pas les mêmes. Par exemple, vous ne pourrez pas facturer un client dans la grande distribution de la même façon qu’un client dans la finance. On rejoint ce que je disais dans le premier paragraphe, “connaître sa valeur”.

Budget du client

Par ailleurs, à l’intérieur d’un même secteur d’activité, certains clients disposent d’un budget plus large que d’autres. Il est important de le savoir avant de donner un chiffre car certains clients ont des plafonds qui sont plutôt bas par rapport au marché et qu’il sera difficile de franchir sans une négociation ardue

Toutefois, en tant que freelance, vous êtes plus flexible qu’en CDI. C’est très important car vous pouvez lâcher du lest sur la présence pour garder le même tarif. Par exemple, vous demandez un tarif à 500 €/j pour une mission d’un an (contractualisé pour 215 jours), et votre client vous annonce qu’il aimerait que vous baissiez le tarif de 15 à 20%. Vous pouvez faire une contre-proposition de garder le même tarif mais en ne venant que 172 jours, en vous absentant 1 jour par semaine par exemple. Cela vous libère du temps tout en gardant un niveau de revenu confortable et en ne vous bradant pas. Ce dernier point est d’ailleurs un argument très recevable si vous avez un profil qui sort du lot : vous ne voulez pas dégrader votre image de marque et il faut faire passer le message que la qualité se paie. Bien évidemment, on peut moduler le curseur en fonction des attentes du client (“je baisse mon tarif de 7% et le vendredi je pars à midi”). Vous êtes flexible, profitez-en !

Correspondance entre votre profil et la demande

Si vous correspondez en tout point à ce que le client demande, vous pouvez nettement augmenter le tarif alors qu’il sera plus sage de le baisser dans le cas inverse.

Une liste de cases à cocher, avec un stylo à côté

Client exigeant

En lien avec le point précédent, si le client recherche un profil vraiment spécialisé ou avec beaucoup d’expérience sur plusieurs sujets pointus (le fameux “moutons à cinq pattes”), il ne faut pas hésiter à augmenter le tarif. A l’inverse, sur une demande pour un profil “mainstream”, il ne faudra pas être trop cher puisque remplaçable facilement. Là encore, à vous de bien faire passer le courant pendant l’entretien.

De la même manière, si le client est en recherche depuis longtemps sur ce poste, il a certainement envie de boucler ces histoires de recrutement et acceptera plus facilement un tarif au-dessus du marché. Il est donc utile de réussir à savoir depuis combien de temps le client cherche quelqu’un.

Démarchage

Qui est venu chercher qui ? Si c’est le client qui est venu vous solliciter (via LinkedIn par exemple), il est très possible de monter le tarif. Cela s’applique bien évidemment au client final comme à un éventuel intermédiaire. Par exemple, une SSII qui vous démarche pour une mission qu’ils n’arrivent pas à staffer en interne signifie qu’ils aimeraient fortement remporter l’appel d’offres pour des raisons qui leur sont propres (ex : référencement chez le client final, ouverture de compte, visibilité…). Il faut le garder à l’esprit et ne pas hésiter à hausser le tarif.

Délai de paiement

C’est un gros levier. En effet, plus le délai de paiement est important et plus vous devrez taper dans votre trésorerie perso. Par exemple, pour un client payant à 45 jours après réception de la facture, si vous commencez un 1er mars, vous enverrez la facture le 31 et le client fera le virement le 15 mai à condition qu’il paie dans les temps. Il s’est donc écoulé 2 mois et demi depuis la prise de poste et le premier paiement ; cela représente un risque non négligeable pour vous et une économie pour le client. Donc plus le délai est grand, plus il faut adapter le tarif en conséquence ou négocier une réduction du délai dans le contrat.

Un squelette, le menton posé sur les mains, attend quelque chose

Votre réseau

Si vous connaissez beaucoup de personnes là où vous allez et notamment des gens avec qui vous avez déjà travaillé dans le passé et avec qui cela s’était très bien déroulé, il y aura un sentiment de confiance et de sécurité des deux côtés qui va simplifier la vie du demandeur. C’est à mettre à votre profit dans la mesure du possible.

Ne vous bradez pas

Je le redis : il est important de ne pas vous brader ou de dévaloriser votre tarif. Si vous avez annoncé un tarif et qu’on vous demande une baisse significative, il est important de bien peser le pour et le contre. Si vous acceptez, il peut y avoir un problème d’image et de respectabilité ; à l’inverse, refuser peut donner une impression de blocage tout en préservant votre image de marque. Le choix n’est pas simple.
Dans tous les cas, si vous devez céder un peu de terrain sur le tarif, Agnès a un bon conseil :

On m’avait conseillé que si freelance je veux faire payer moins cher à un client pour raison x ou y, je ne baisse pas mon TJ : je fais un devis avec mon vrai TJ et j’ajoute une ligne “remise” qui peut être significative. Tout simple, testé aujourd’hui, je recommande.

Pour conclure…

Si on résume :

  • Connaissez-vous vous-même : sachez de combien vous avez besoin et ce que vous valez sur le marché.
  • Préparez la négociation en prenant de l’info sur le client, en listant les arguments en votre faveur et en vous posant les bonnes questions en amont. Une bonne négociation est une négociation préparée. C’est comme pour un entretien d’embauche où vous allez devoir discuter de votre salaire.

Au final, ce sujet ouvre plusieurs discussions : comment se vendre, comment négocier avec les intermédiaires, comment se constituer un réseau… autant de questions que j’essaierai d’aborder dans de prochains articles.


Guillaume Téchené

Software developer since 2000, I try to make the right things right. I usually work with .Net (C#) and Azure, mostly because the ecosystem is really friendly and helps me focus on the right things. I try to avoid unnecessary (a.k.a. accidental) complexity and in general everything that gets in the way of solving the essential complexity induced by the business needs. This is why I favor a test-first approach to focus first on the problem space and ask questions to business experts before even coding the feature.